Dans la neige – Danya Kukafka

Des yeux en amande qui transpercent l’obscurité de la pelouse. Une paume rose aplatie sur l’écran de protection fixé à la fenêtre de la chambre de Lucinda. Des nuages qui envahissent le ciel, immense drap gris déployé contre la peau douce et velouté de minuit.

Dans la neige

Dans la neige, Danya Kukafka, Editions Sonatine, février 2019
Traduction : Claude et Jean Demanuelli

Présentation éditeur :

Au milieu de l’hiver glacé du Colorado, ce portrait d’une communauté traumatisée est noir, intense, poignant : une révélation !

Dans cette petite ville du Colorado, on adore ou on déteste Lucinda Hayes, mais elle ne laisse personne indifférent. Surtout pas Cameron, qui passe son temps à l’épier, ni Jade, qui la jalouse terriblement. Encore moins Russ, qui enquête sur sa mort brutale. On vient en effet de retrouver le corps de Lucinda dans la neige. Chacun leur tour, Cameron, Jade et Russ évoquent la jeune fille, leurs rapports, leurs secrets. Vite, ce drame tourne à l’obsession : tous trois savent en effet que la vérité peut les sauver ou les détruire.

Ce tableau d’une petite communauté provinciale en forme de traversée des apparences est un portrait saisissant d’une Amérique bien-pensante travaillée par des pulsions obscures, dont tous les repères sont en train de voler en éclats.

Avec ce premier roman, salué par une critique unanime comme un véritable tour de force littéraire Danya Kukafka, exprime cette vulnérabilité, avec une grâce et un talent infinis.

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Merci aux éditions Sonatine pour cet envoi.

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Lucinda Hayes est morte. Assassinée. Son corps a été retrouvé dans le parc. Sur un tourniquet. Dans la neige.

Lucinda n’est plus. Cameron n’aura plus personne à épier. Personne pour faire trembler ses mains. Personne à qui penser avant de s’endormir, tandis qu’il fixe des yeux les fissures du plafond ou compte les nébuleuses de la ceinture d’Orion.

Lucinda Hayes était lycéenne. C’est le choc dans la petite ville. Lucinda était populaire, mais aussi jalousée. Cameron l’aimait, l’adulait et l’épiait en cachette. Jade l’enviait. Russ est chargé de l’enquête.

Je ne regrette pas le rituel, pas même maintenant que Lucinda est effectivement morte.
Je voulais qu’elle disparaisse.

Dans la neige, c’est un roman chorale. Tour à tour, Cameron, Jade, et Russ se souviennent de Lucinda, mais aussi des évènements passés dans la ville. L’ambiance est pesante, lourde, on ressent la peine et la tension qui règnent dans cette communauté pourtant lambda au premier abord. Tout paraît froid derrière les apparences.

Le quartier, sous le choc, était sombre. La neige, presque fondue. Lucinda était morte la nuit dernière, et les ombres paraissaient plus longues. Les phares, aveuglants. Cameron était à ses postes d’observation, invisible.

Pour être tout à fait honnête, j’ai eu un peu de mal dans la première moitié de ce roman, il ne se passe finalement pas grand chose, il m’a fallu du temps pour apprivoiser les personnages et j’avais un peu perdu de vue l’intrigue de départ. Je me suis demandée où l’auteure voulait aller. Mais à l’inverse, j’ai lu d’une traite la seconde moitié.

En effet, Danya Kukafka décortique la psyché de ses personnages et cela devient passionnant. Couche après couche, elle explore leurs failles, pour nous faire douter de chacun, pour comprendre ce qu’ils ressentent, et qui ils sont vraiment. Leurs portraits psychologiques sont si soignés qu’on en oublie Lucinda, on se focalise sur Cameron, Jade et Russ. Tous les trois semblent souffrir de solitude, et de mal-être.

Soudain, c’est moi-même que je vois. Un peu comme quand tu t’observes dans la glace, au moment où la buée de la douche que tu viens de prendre s’évapore : je suis le trait reliant les points.
Ca fait réfléchir, non – cette manière dont on peut devenir un personnage secondaire dans sa propre histoire.

Les personnages ne sont, dans le fond, pas attachants, mais ils sont intéressants. En s’en méfiant, un fossé se creuse entre eux et le lecteur, et ce détachement permet de mieux les appréhender, eux qui appréhendaient Lucinda de différentes façons. C’est fin, c’est profond, c’est bien écrit. C’est assez remarquable quand on sait que l’auteure est jeune, elle n’a que vingt-cinq ans.

La fin est surprenante, je n’avais pas deviné l’identité du meurtrier. Tout est bien ficelé et bien amené. Du début du roman, jusqu’à la fin, trois jours plus tard. Jusqu’au dénouement. Des secrets, des non-dits, des liens entre les habitants de cette ville. Tout finira par se savoir.

Se dénouer.
Il s’imagine tenant un pistolet, l’index appuyé sur le métal froid de la détente, pressant le canon contre l’arrière des cheveux blonds et chatoyants de Lucinda.
Se dénouer, à tout prix.

Dans la neige est un thriller psychologique très bien construit. Peu de rebondissements dans ce roman, mais une psychologie des personnages très travaillée pour une ambiance pesante. Un premier roman noir, très réussi et très prometteur. Une jeune auteure à suivre.

 

 

 

 

 

2 commentaires sur « Dans la neige – Danya Kukafka »

  1. Ta critique est très intéressante. Tu sais, ce n’est pas systématique, (parfois ça me lasse), mais il arrive que je sois intéressée lorsque « il ne se passe rien ». Je m’interroge et me demande ce qui se cache derrière ce « rien », ce silence. C’est assez amusant, car souvent j’y vais de ma propre déduction ☺

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