La gueule de leur monde – Abram Almeida

Les hommes s’étaient donc partagé notre bonne vieille planète comme s’il s’agissait d’une pizza napolitaine. Ils s’étaient installés un peu partout et avaient décidé que désormais telles et telles parties du monde étaient à eux… du monde, de la mer et même des airs. Ils avaient écrit des chansons bien barbares qu’ils avaient appelées hymnes nationaux, pris des bouts de tissus qu’ils avaient décorés et nommés drapeaux, enfin, ils avaient retranscrit sur papier l’étendue de ce qui était désormais à eux. Ils ont appelé ça des frontières.

la gueule de leur monde

La gueule de leur monde, Abram Almeida, auto-édité, 2018

Présentation :

Lorsqu’un jeune diplômé africain se décide contre tout bon sens à rejoindre la horde de migrants qui tente de traverser la méditerranée pour atteindre l’Europe, on se doute déjà que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde. Mais comme tous ces indésirables fuyants la guerre, la famine ou Dieu sait quelle autre calamité dont seul le tiers monde a le secret, il a ses raisons. 

Il est pourtant bien loin de s’imaginer ce qui l’attend au cours de son périple où rien, mais alors vraiment rien ne se passe comme prévu. Dehors il y’a désormais des djihadistes qui redessinent la figure du monde à l’arme lourde, des forces de l’ordre qui ne savent plus où donner de la matraque, des malfrats de tous bords qui font des affaires avec des vies humaines, le tout dans le dos de gouvernements trop occupés à se refiler tout ce monde de misère envahissante.

Notre héros lui ne voit pourtant aucune incohérence à toutes les invraisemblances de ce monde, c’est un Candide des temps modernes. Avec trois compagnons de route aussi touchants que comiques, il arpente les sentiers de la migration sans se soucier de ses dangers. Ces drôles de lurons arriveront-ils au terme de leur voyage ? Celui-ci en vaudra-t-il la peine ? Quoi qu’il en soit, l’Europe n’a qu’à bien se tenir… Ils arrivent !

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Merci Abram Almeida pour l’envoi de votre livre et pour votre confiance

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Pour être honnête, en commençant cette lecture, j’ai eu peur. Peur du sujet abordé. Peur du style de l’auteur aussi. En effet, dans ce premier roman, Abram Almeida nous parle migration en Afrique, djihad, violence… Tout ça dans un style assez parlé puisque le narrateur est un migrant et qu’il nous raconte ce qu’il a vécu avec ses mots, ses émotions.

Pour moi, les rappeurs, leur place était sur scène, les maîtres dans les classes, les imams dans les mosquées, les prêtres dans les églises, les syndicats dans la rue, le peuple dans le coma et les politiciens dans les affaires. C’est là que je me trompais. Tout le monde fut dans la rue… sauf les politiques, trop occupés à fuir dans des hélicoptères français.

Pour le narrateur, quand il quitte son village d’Afrique, il ne se doute pas que la route vers l’Europe sera pire qu’un parcours du combattant. Qu’il risquera la mort à chaque instant. Pour atteindre son but, le chemin sera long et surtout très dangereux. Il verra ses compagnons de voyage mourir. Il tombera entre les mains de djihadistes. Il connaîtra la  guerre, la violence, la misère, la faim, le doute, l’angoisse, la peur. Sur sa route, les passeurs seront nombreux. Il devra faire des choix.  Et accorder sa confiance tout en restant méfiant.

Nous comprimes très vite que nous n’aurions aucune difficulté à trouver un passeur, mais nous ne savions pas trop combien coûterait la traversée si nous devions la payer. Des acteurs du suicide en mer il y’en avait partout ici, y’avait qu’à demander.

Mais jamais il ne renoncera, quitte à reculer pour mieux avancer ensuite. Entre emprisonnements, longues traversées d’espaces désertiques, de frontières, le narrateur nous raconte tout. Accrochez-vous !

On partage beaucoup lorsqu’on voyage. On partage tellement qu’à la fin on n’a plus grand-chose de soi-même qui reste. Tellement qu’on a bu de la peine des autres et qu’on en a vomi la sienne. Elle vient peut-être de là, l’identité collective.

Si au début, j’ai été déstabilisée par le style de l’auteur, j’ai ensuite vu l’intérêt de présenter ce récit de cette manière. Derrière son côté candide et naïf, le héros nous montre qu’il est capable d’analyser les situations, mais surtout que les obstacles rencontrés ne lui laissent pas souvent le choix… Plus que tout j’ai apprécié l’auto-dérision du narrateur qui n’hésite pas à se moquer de lui-même.

La gueule de leur monde est un roman assez court, mais il s’en passe des choses en 260 pages ! A l’instar du héros, on n’a pas le temps de se reposer tant le rythme est effréné. Tellement de violence, mais aussi tellement d’espoir. L’espoir qui est au bout du long chemin. L’espoir d’une vie meilleure loin, très loin. L’espoir qui motive à prendre tous les risques, quitte à y laisser sa dignité, ou même sa vie.

À y réfléchir, certains s’en étaient peut-être sortis dans ce désert. C’est bien ça le voyage, ça vous rend optimistes même sur des choses qui ne le méritent pas.

La gueule de leur monde est un premier roman très poignant, sur un sujet très actuel qu’est l’émigration. Abram Almeida emmène son lecteur dans une immersion totale dans la route des migrants africains vers l’Europe. Dans un contexte  de guerre et de violence, il fait ressortir, avec humour, l’optimisme et l’espoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 commentaires sur « La gueule de leur monde – Abram Almeida »

  1. J’ai lu ce bouquin que j’ai d’ailleurs commenté sur babelio J’ai beaucoup aimé, Et c’est vrai qu’au regard de la gravité du sujet, au début j’ai été surprise par le ton de l’auteur, dont finalement la décontraction m’a beaucoup plu, car son humour et sa décontraction n’enlèvent rien au caractère tragique du récit.

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