Jesse le héros, Lawrence Millman

Son anniversaire tombait le jour de la marmotte, son étoile était Vénus, et bien qu’on lui donnât pas mal de noms qui n’étaient pas le sien, il ne répondait qu’au nom de Jesse.

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Jesse le héros, Lawrence Millman, Sonatine, 2018

Résumé éditeur :

Un roman exceptionnel, mystérieusement resté inédit en France depuis sa parution en 1982.
1968, Hollinsford, New Hampshire. Élevé par son père, Jesse a toujours été un outsider au comportement inquiétant, rejeté par les autres enfants du village. Avec l’adolescence, les choses ne s’arrangent pas. On l’accuse aujourd’hui d’avoir violé une jeune fille, on le menace d’un placement en institution spécialisée. Mais tout ce qui préoccupe Jesse, ce sont les images du Vietnam, qu’il suit obsessionnellement à la télévision, celles de cette guerre où est parti son frère Jeff, qu’il idolâtre. Lorsque celui-ci, démobilisé, revient au pays, rien ne se passe comme Jesse l’espérait. Et c’est pour notre héros le début d’une escalade meurtrière à la noirceur extrême. 

Entre le Holden Caulfield de L’Attrape-cœur et le Patrick Bateman d’ American Psycho, Jesse est difficile à situer. Est-il la victime d’un handicap mental, d’un contexte familial perturbé, d’une société où fleurissent les images violentes, ou bien un tueur en série sans empathie, capable d’éliminer ses contemporains aussi facilement que ces rats sur lesquels il aime tirer ? Lawrence Millman nous abandonne entre ces hypothèses perturbantes, jusqu’aux dernières pages du livre et leur étonnante conclusion. 

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Jesse le héros est un roman paru en 1982 aux Etats-Unis mais qui vient seulement d’être édité en France par les éditions Sonatine. Dans ce livre, Lawrence Millman nous fait le portrait d’une société américaine en pleine guerre du Vietnam, celle qui vit dans les quartiers défavorisés et pour laquelle la vie est difficile entre l’alcool, la violence, les rats…

Jesse le héros, c’est l’histoire d’un adolescent dont on comprend vite qu’il n’est pas comme les autres et qu’il est sûrement handicapé mental. Il vit avec son père qui le protège mais ne peut être derrière lui à chaque instant, ni l’enfermer dans un cocon.

Allons, George. Je sais ce que vous ressentez. Ce n’est pas facile pour vous. Ca ne le serait pas plus pour moi si c’était mon fils. Mais les faits sont là. Ce garçon n’est pas un ado ordinaire. On a essayé de le traiter comme si c’était le cas…

Mais surtout, Jesse vit dans son monde dans lequel il est le héros.

Le héros Jesse était un soldat, pas un môme.

Dans le monde de Jesse c’est lui qui est héros de guerre comme son grand frère, combattant de la guerre du Vietnam et qu’il idéalise. Il voue une véritable obsession, presque un culte, pour cette guerre dont il voit les images à la télé. Il attend que son frère rentre enfin et lui raconte ses exploits, et dans sa tête il imagine qu’il est lui aussi acteur de ce conflit, qu’il tue de nombreux « jaunes »… Mais le problème c’est que Jesse ne sait pas ce qui est bien ou ce qui est mal. Jesse ne vit ni dans un monde d’enfant ni dans un monde d’adulte ou d’adolescent, il vit dans sa propre réalité, déformée… Une réalité où ce qui compte est de tuer « du viet » et rien d’autre. Pourquoi ? Jesse finalement n’en sait trop rien, mais peu importe… Il agit par pulsion. Il confond la violence et les sentiments. Il ne ressent aucune empathie face à la mort et à la souffrance des autres, la réalité se mélange à ses rêves et ses délires. Et c’est glaçant, le comportement et les actes de Jesse font froid dans le dos.

Si tu te comportes comme il faut, t’auras pas besoin d’aller là-bas. Et Jesse se demanda ce qu’il fallait faire pour se comporter comme il faut. Il trouvait toujours qu’il se comportait bien.

Lawrence Millman nous présente les choses du point de vue de Jesse. Durant tout le récit, on est dans la tête de Jesse, on suit son procédé de réflexion, ses cheminements et on arrive même à comprendre ce qui l’amène à agir aussi violemment. C’en est dérangeant et triste, et en même temps intéressant de voir la capacité de réflexion de cet adolescent complètement à la dérive, et qui commettra plusieurs fois l’irréparable mais qui jamais ne réalisera la gravité de ses actes. Car oui, Jesse est déconnecté du monde réel.

Et les voilà partis, ils volent dans les airs avec une aisance incroyable, un gars et une fille sur leur trapèze volant.

Le style de Lawrence Millman est percutant, sans détour, il va droit au but. Pas de temps mort dans ce roman, pas de répit pour le lecteur, chaque page apporte son lot d’images choquantes.

C’est un roman très dérangeant, qui met le lecteur mal à l’aise mais qui pourtant l’interroge à chaque page. Mais plus que tout, ce qui est touchant dans ce livre c’est l’amour que son père porte à Jesse, un amour plus fort que la peur et les rumeurs.

Tu me tues, dit le père. Tu entends ? Tu me tues, petit. Je peux pas vivre un jour de plus comme ça. Mais pourquoi, bon sang, tu peux pas être comme ton frère ?

Jesse le héros est un livre qui ne peut pas laisser pas indifférent : c’est une lecture fascinante, un roman noir bouleversant !

Merci à Sonatine et Netgalley pour cette découverte.

Jesse le héros

 

 

 

 

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