D’os et de lumière – Mike McCormack

debout ici dans cette cuisine, dans cette lumière grise, je me demande
pourquoi ce besoin soudain de répéter ces vérités qui coulent de source et s’imposent à moi de manière si impérieuse, pourquoi ce sentiment que ce sont
des seuils à franchir
des choses à régler
des vérifications à effectuer
comme si j’avais pénétré dans un territoire aux circonstances rétrécies, bordé de part et d’autre par l’oubli

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D’os et de lumière, Mike McCormack
Editions Grasset, 2019
Traduction : Nicolas Richard

Présentation éditeur :

Marcus Conway est assis devant la table de sa cuisine, un sandwich et un verre de lait posés sur la nappe blanche. Il lit son journal et écoute la radio dans la maison vide, sa femme et ses deux enfants sont absents. Il est midi et les cloches sonnent l’Angelus, nous sommes le 2 novembre dans le village de Louisburgh, en Irlande. Pendant une heure, jusqu’au prochain bulletin d’information, Marcus se remémore sa vie depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, sa vie de fils, de mari, de père, d’ingénieur du génie civil. Il désosse son passé comme il observe les ponts, d’un regard aussi rationnel qu’émerveillé. Il se souvient également des épreuves qu’il a traversées comme son combat contre la petite corruption locale qui menace sans cesse de mettre en péril la qualité de son travail, et donc la sécurité de ses concitoyens.
Marcus se rappelle ses premières années d’homme marié aux côtés de Mairead, la naissance de leur fille puis celle de leur benjamin – l’aînée deviendra artiste-plasticienne alors que le second partira vivre à l’autre bout du monde, en Australie. Puis ce jour où, comme une large partie de la population du comté, Mairead est prise de violentes douleurs causées par un virus présent dans l’eau du robinet, un véritable désastre sanitaire. Il se souvient ensuite du trajet en voiture pour rapporter des médicaments à sa femme alitée. Il se souvient de sa vie qui s’est alors mise à vaciller…
Mike McCormack raconte avec tendresse et émotion l’histoire d’un homme. En suspension durant cette heure hors du temps, les souvenirs de Marcus Conway s’agrègent avec grâce pour mettre en regard l’intime et la société, le monde rural et l’économie globalisée, la tradition et les grandes questions contemporaines – la démocratie ou encore l’écologie. Il y a une lumière singulière dans ce texte, une langue qui bat au rythme d’un cœur en peine et qui nous immerge dans les profondeurs de l’âme celtique. Écrit d’un seul souffle, D’os et de lumière est un livre qui fera certainement date dans l’histoire de la littérature anglo-saxonne.

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Merci aux éditions Grasset pour cet envoi.

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Ce qui m’a attirée dans le choix de ce livre, c’est LA phrase. La longue et unique phrase qui compose ce roman. Peut-on même parler de phrase d’ailleurs ? Pas de majuscule en début, ni de point final. Parlons plutôt d’un souffle. un long souffle, avec peu de virgule, mais heureusement quelques retours à la ligne pour reprendre sa respiration.

clair comme de l’eau de roche sur les murs et dans le mouvement de chaque mot et de chaque ligne, j’étais la forme sous-jacente qui poussait le tout en vagues jusqu’au plafond

Marcus Conway est assis à la table de sa cuisine, seul. On est le 2 novembre et c’est l’heure du bulletin d’information, à la radio. C’est l’occasion de se souvenir. De revenir sur sa jeunesse, son mariage, ses enfants. Mais c’est aussi le moment de parler politique, économie, vie locale.

Pendant plus de trois cents pages, on écoute Marcus partir dans ses divagations. Son esprit s’égare, il passe d’un sujet à un autre. Et il nous emmène avec lui. Au fil de ses digressions on apprend à le connaître. Mais aussi sa famille.

Malheureusement pour moi, j’ai vite perdu le fil, je me suis perdue dans cette longue et unique phrase. Enfin, j’ai surtout été désorientée  quand Marcus s’éloignait de sa propre vie et de celle de sa famille. Les aspects économiques, politiques et le contexte social ont eu raison de moi. C’est vraiment dommage parce que tout ce qui se rapportait au contexte familial était très intéressant. Si je suis allée jusqu’au bout, je l’avoue, j’ai lu certains passages en diagonale. Mais pour la fin, je n’ai pas regretté d’avoir persévéré.

voilà comment une fois encore je perds le fil
emporté par les souvenirs
balayé dans cette espèce de rêverie qui n’a qu’un rapport tangentiel avec les pensées précédentes

Le style de Mike McCormack est très beau, sa plume est originale. S’il ne met jamais de point, ses propos sont fluides et coulent les uns après les autres. Et l’absence de point final interpelle beaucoup. Comme si les souvenirs de Marcus était un cycle sans fin. Comme si arrivé à la fin du récit, on pouvait recommencer le roman du début. A l’infini.

voilà comment l’esprit s’effiloche et sombre dans l’idiotie et la bêtise
si on lui lâche la bride
l’esprit au repos se débobine à l’infini

D’os et de lumière est un objet littéraire très particulier, et original. Un roman qui ne laisse pas indifférent ni par la forme ni par les mots. Un livre qui s’écoute plus qu’il ne se lit.

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