Rêves oubliés – Léonor de Recondo

J’abandonne une partie de moi-même là-bas, au pied des orangers, j’y laisse mes rêves et je prie pour que nous restions unis, en vie. Toujours libres.

Rêves oubliés

Rêves oubliés, Léonor de Récondo, Points, 2013
Grand format aux éditions Sabine Wespieser, 2012

Résumé éditeur :

Quand il arrive à Irun où il espère rejoindre sa famille, Aïta trouve la maison vide. Le gâteau de riz abandonné révèle un départ précipité. En ce mois d’août 1936, le Pays Basque espagnol risque de tomber entre les mains des franquistes. Aïta sait que ses beaux-frères sont des activistes.
Informé par une voisine, il parvient à retrouver les siens à Hendaye. Ama, leur trois fils, les grands-parents et les oncles ont trouvé refuge dans une maison amie. Aucun d’eux ne sait encore qu’ils ne reviendront pas en Espagne.
Être ensemble, c’est tout ce qui compte: au fil des années, cette simple phrase sera leur raison de vivre. Malgré le danger, la nostalgie et les conditions difficiles – pour nourrir sa famille, Aïta travaille comme ouvrier à l’usine d’armement, lui qui dirigeait une fabrique de céramique.
En 1939, quand les oncles sont arrêtés et internés au camp de Gurs, il faut fuir plus loin encore. Tous se retrouvent alors au cœur de la nature, dans une ferme des Landes. La rumeur du monde plane sur leur vie frugale, rythmée par le labeur quotidien : les Allemands, non loin, surveillent la centrale électrique voisine, et les oncles libérés, poursuivent leurs activités clandestines.
Écrit comme pour lutter contre la fuite des jours, le carnet où Ama consigne souvenirs, émotions et secrets donne à ce très beau roman une intensité et une profondeur particulières.
Léonor de Récondo, en peu de mots, fait surgir des images fortes pour rendre à cette famille d’exilés un hommage où une pudique retenue exclut le pathos.

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Coup de cœur

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J’ai découvert Léonor de Recondo avec son merveilleux Amours qui m’avait envoûtée, souvenez-vous… J’ai ensuite eu la chance de la rencontrer à Livres Paris, où j’ai pu échanger quelques paroles avec elle. Léonor est à l’image d’Amours, belle, douce et passionnée. Elle m’a présenté ces deux autres romans sortis en poche Pietra Viva et Rêves oubliés. En parlant de Rêves oubliés, elle a évoqué ses grands-parents et leur histoire. J’ai été très touchée et j’ai donc choisi ce roman pour continuer ma découverte. J’ai ensuite mis ce livre de côté, peut-être pour avoir encore le bonheur de me dire que je ne l’avais pas encore lu… J’ai fini par m’y plonger, je vous raconte.

L’histoire commence au pays basque, côté espagnol, en 1936, les franquistes s’emparent peu à peu du pays. Aïta rentre précipitamment chez lui à Irùn, il sait que les frères d’Ama, sa femme sont activistes. Il trouve la maison vide. Et un gâteau de riz abandonné sur la table de la cuisine. Par la voisine, il apprendra que sa famille (sa femme, ses fils, ses beaux-parents et ses beaux-frères) a traversé le fleuve Bidassoa et trouvé refuge à Hendaye. En les rejoignant en France, cela sonne le début d’une nouvelle vie. Certains seront arrêtés. Alors d’Hendaye, ils finiront par aller vivre à la campagne, dans une ferme à l’écart.

Vous êtes sur mon cœur. Être ensemble, c’est tout ce qui compte.

Dès son départ d’Irùn, Ama écrit. Elle profite des moments où la maison est calme. Dans son petit carnet, elle se confie. Pour se souvenir, ne surtout pas oublier. Ses écrits sont des intervalles dans le récit. Elle s’y livre tout entière, pour survivre. Dans ce carnet, elle raconte ses états de femme, de mère, de sœur.

Le temps se fige, je respire à peine. Un minuscule filet d’air me permet de survivre sans réfléchir, me permet simplement d’être. Puis arrivent les enfants, les grands-parents, les cousins. Et le temps reprend son cours.

Rêves oubliés, c’est l’histoire d’une famille. C’est l’histoire de réfugiés qui ont tout laissé derrière eux, tous leurs souvenirs, tous leurs rêves, leurs ambitions pour rester en vie. Mais c’est aussi et surtout une histoire d’amour. Une histoire de l’amour et de sa force qui nous pousse pour choisir la vie, quoi qu’il advienne. Aimer permet de mieux supporter. L’amour est le pilier, le repère pour  se soutenir, se protéger, et pour vivre. Pour revivre.

Oublions cela et rappelons-nous uniquement la chaleur qui circulait entre nous tous aujourd’hui. Les regards brillaient, les bouches s’enivraient. Malgré ces temps orageux et glacials, nous sommes toujours là, ensemble.

Retrouver la plume de Léonor de Recondo est un vrai bonheur. De son écriture délicate et musicale, elle nous entraîne dans l’intimité de cette famille unie. Une nouvelle fois, elle nous raconte au présent. Cela rend tout plus fort, plus proche. Les émotions s’écoulent à chaque phrase, à chaque mot. Tout en sensibilité et en tendresse. On ressent tellement la douceur de l’écrivaine, et la délicatesse de la musicienne. C’est sublime.

L’enfant, le regard plongé dans l’étendue blanche, s’exile à l’intérieur de lui-même.  La feuille devient le tapis volant des contes murmurés par Ama le soir. Il n’a plus à se cramponner à son lit pour éviter d’être emporté par les monstres nocturnes. Maintenant qu’il a percé le secret de l’envol, il part loin  de sa peur, loin du grand océan de ténèbres.

Rêves oubliés est le livre de ces rêves qui traversent un fleuve pour revivre*. C’est un roman qui redonne espoir et envie de croire en la vie. Si vous n’avez jamais lu Léonor de Récondo, n’hésitez plus. Pour ma part, je suis conquise, amoureuse de cette plume qui transmet tellement d’émotions et d’amour, et de l’espoir, beaucoup d’espoir aussi.

Otzan a l’âme si forte qu’elle porte l’histoire du monde. Otzan a l’âme si sensible qu’elle s’émeut de la douceur du vent.

*extrait de la dédicace de Léonor de Recondo dans mon exemplaire.

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